Bloody moon : test DVD et Critique




Sorti en Zone All chez Severin et en Zone 2 chez Shock, «Bloody Moon» de Jess Franco va enfin avoir l'honneur d'une édition française grâce aux efforts d'Uncut movies qui s'est fendu pour l'occasion de sa traditionnelle édition limitée à 1000 exemplaires. Une excellente nouvelle puisque l'unique façon de visionner cette petite curiosité  du cinéma d'exploitation dans la langue de Molière était à ce jour de mettre la main sur une VHS d'époque. L'éditeur nous ayant fort sympathiquement envoyé un galette argentée en pleine tronche, nous dégainons aujourd'hui un review vengeur. Fallait pas commencer... Non mais !


Synopsis :

Un groupe d'étudiantes se rend en Espagne afin d'intégrer une école de langues... (Cool !) Étrangères. (Ah mince, fausse joie!) Le lieu est idyllique et permet aux jeunes filles de partager leur temps entre travail et plaisir. Mais ce qu'elles ignorent c'est que ce cadre paradisiaque fut le théâtre quelques années plus tôt d'un meurtre particulièrement sadique et que l'assassin après un long (prétentieux va!) traitement psychiatrique vient d'être remis en liberté. Dès lors, les étudiantes vont devenir les proies d'une ombre menaçante armée d'un long couteau et nombreuses sont celles qui finiront massacrées par le tueur fou. Une des étudiantes, Angela, inquiète de la disparition de sa meilleure amie va tenter de découvrir les sombres secrets qui planent autour de l'école. Ce qu'elle va découvrir va la plonger au plus profond de l'horreur...




Critique :

C'est pour des producteurs teutons que Jess Franco, génial et prolifique mercenaire du 7e art, s'est offert une opportuniste escapade dans le Slasher movie.1981, une année faste de plus pour le fou filmant qui accouche de quelques neufs bobines dont nous retiendrons Sadomania (toi même!), le sympathique Abime des morts vivants, Bloody Moon sans oublier Linda (Orgy of the Nymphomaniacs) pour les mêmes producteurs. Le film est exploité en France sous le titre «La lune de sang» et en Espagne, terre de naissance de notre brave Jesus (Franco précisons-le), sous le titre plus étonnant de «Colegialas violadas». Qu'on se le dise, aucun viol ne viendra interrompre le décompte morbide et sanglant de Bloody Moon. Ce retitrage aurait, d'après Franco lui-même, surtout servi à exciter la curiosité du public espagnol après quelques années de censure.



Pour Franco, le tournage de Bloody Moon n'est pas de tout repos. Il ne parvient pas à s'entendre avec ses producteurs qui lui demandent dans un premier temps de tourner le film en Allemagne alors que que l'action est censée se dérouler en Espagne. On lui promet également une bande originale signée Pink Floyd dont notre cinéaste ne verra bien entendu jamais la couleur. Pour couronner le tout, son héroïne, l'actrice allemande Olivia Pascal (Delicia, ou la croisière des caresses, Vanessa), subitement devenue frileuse, signifie clairement qu'elle tournera pas une seule scène dénudée. Face à de tels obstacles, plus d'un cinéaste aurait levé le (Crystal Lake?) camp, mais Franco reste et finit par poser sa camera à Allicante. Assez étonnamment, rien dans cette lune de sang (exception faite de sa bande originale souvent à côté de la plaque et peut être d'un humour masquant une certaine distance du cinéaste sur son œuvre) ne semble vraiment porter les stigmates de sa difficile genèse .



Replaçons notre petite perle bis dans son contexte. Bloody Moon est un film de commande destiné à emboiter le pas aux efforts de Carpenter et Cunnigham, autrement dit prendre en marche le train du Slasher Américain. Le résultat est un Franco sans doute mineur  mais loin d'être impersonnel puisqu’on y retrouve quelques unes de ses marques de fabrique: son goût prononcé pour le zoom compulsif et la polissonnerie (la relation incestueuse frère soeur et un étalage de poitrine aussi gratuit que bienvenu), un érotisme certes fort sage mais bel et bien présent. Comment pourrions-nous également ignorer, les quelques très jolies scènes poético-oniriques abandonnant Manuela, poitrine au vent, à ses songes lunaires ou  l'inspiration «Gallio» de certains plans. Bref, ne rangeons pas trop vite ce « Bloody moon » dans le tiroir aux «Bobines sans âmes ni conviction»...

Le point de départ de ce marathon meurtrier semble à première vue très conventionnel. Après un premier meurtre suivi de 5 longues années d'internement, Franco relâche son psychopathe dans la nature, poussant le vice jusqu'à interpréter lui même le rôle du médecin qui signe sa fiche de sortie. Les clins d’œil aux deux plus célèbres franchises du genre alors naissantes, sont multiples. Notre héroïne du jour loge dans la chambre N°13 et notre serial killer ibérique défiguré (comme Jason), répond au nom de Migel sans doute en référence à Michael ...Myers. D'ailleurs nous aurons droit à une magnifique séquence de vision subjective à travers un masque. Pirouette stylistique empruntée au Halloween de Big John. Bloody Moon aurait pu se satisfaire de cette trame pour devenir un slasher linéaire ponctué de mises à mort sanglantes, respectant donc à la lettre le cahier des charges du genre. Il en est tout autrement  car Erich Tomek , déjà coauteur du scénario du «Contamination» de Cozzi, a la bonne idée de redistribuer les cartes en cours de route. En découle un récit plus retors, plus riche qui vient arracher « Bloody moon » à la monotonie et au systématisme malheureusement de mise dans une bonne partie de la production «Slasherisante» des années 80.



Pour s'assurer de l’adhésion d'un public venu voir de la tripaille, Franco sort l'outillage de circonstance . A côté des très prévisibles couteaux et ciseaux, nous auront droit au taille haie (la tronçonneuse du pauvre), une décapitation d'anthologie à la scie circulaire tandis qu'un serpent fera lui les frais d'un sécateur de passage (scène malheureusement non simulée). Détail troublant, notre psychopathe prendra le soin de ranger une de ses victimes dans une penderie comme un vulgaire manteau. Un maniaque dans tous les sens du terme !


Tiré vers le haut par ces électrochocs sanglants et par les qualités précédemment exposées, «Bloody  Moon» est avant tout une pièce de choix pour collectionneur de bobines occultes (et spécifiquement pour ceux qui vouent un culte au réalisateur espagnol). Mais, visionné quelques 30 années plus tard, ce petit slasher au charme 80's se révèle être aussi un spectacle bis des plus honorables et une œuvre bien  moins anecdotique que prévu. Bref, Bloody Moon est définitivement à découvrir ou à redécouvrir...16/20.




Test Technique :

Le disque Uncut Movies que nous avons eu dans les mains propose le visionnage de « Bloody Moon » dans des conditions  presque optimales puisque le film est présenté au format 1.77 et dans une belle copie. Le tout accompagné de deux pistes audio mono : VF et VO. Notons que la VO est sous titrée et que ces sous titres ne sont pas débrayables. Rayon bonus, un trailer, une galerie constituée de jeux de photos, affiches, jaquettes et autres documents (dossier de presse, roman photo). Enfin, nous avons également droit à une flopée de bandes annonces éditeur (Savages Streets, Final Exam, Colour from the dark, etc...) Un disque très convaincant donc.

Pour passer commande : http://www.uncutmovies.fr/



Note : Un petit détail croustillant qui devrait intéresser les plus curieux des cinéphiles. Il se trouve que la VF d'époque du film contient une petite «bourde» . En effet lorsque Angela retrouve ses amis au borde la piscine et qu'il est question de son logement dans le bungalow N°13, une des filles lui explique qu'un meurtre a été commis dans ce logement le mois dernier. Alors que de toute évidence le meurtre a eu lieu 5 ans avant !