les amants d'outre-tombe: critique et test DVD



Dans la nuit vidéastique, Artus films creuse depuis plusieurs mois le cimetière du fantastico-gothique italien. Un coup de pelle par ci, une profanation par là, les dépouilles pelliculaires d'un cinéma oublié (ou presque) remontent à la surface. A ceux qui craignent les odeurs de rances et le doux parfum de fesses flétries, Thierry et Kevin, embaumeurs émérites assurent de rendre les retrouvailles émouvantes et les copies présentables. Dernière addition à la collection "Les chefs d’œuvres du gothique",  «Les amants d'outre tombe» renouvellent leurs vœux dans vos salons le 1er juillet prochain. Ecranbis.com a troussé la mariée avec un peu d'avance.



La considération de l'historien pour Mario Caiano, sa carrière en général, « les amants d'outre-tombe» en particulier, est à ce jour encore sujette à débat. Dans son «20 ans de cinéma Gothique Italien», Alain Petit (que je salue si bas que mon front touche terre) évoque «un des fleurons les plus venimeux» du genre. Laurent Aknin, autre vénérable défricheur de bobines, peine de son côté à trancher. D'un livre à l'autre, «Amanti d'oltretomba» se voit taxer de «Beau film fantastique...» ou décrit comme un effort poussif et nécessiteux («Réalisé tant bien que mal par Mario Caiano, sur un rythme particulièrement lent et un budget à l'évidence insuffisant même pour une petite bande fantastique en noir et blanc» - Les classiques du Cinéma Bis – Editions Nouveau Monde). Sans tomber dans le truisme et l'adage bon marché, la vérité se trouve sans doute quelque part entre les deux. Poussée d'un côté ou de l'autre par le vent de l'humeur, la couleur du ciel et aux souvenirs émus que l'on accroche, sans trop savoir pourquoi à telle ou telle bobine , chansonnette ou prénom. Laissons le bis aux romantiques chantait Pascal Danel ... A moins que la mémoire me joue encore des tours...


Caiano, Mario de son prénom, aurait gardé de son enfance, un goût pour le récit fantastique et le conte horrifique. La trentaine passée, le cinéaste dont la carrière fait les vas et viens entre les barges du péplum et du western, parvient à convaincre son père de financer «Amanti d'oltretomba». Le budget ne permet qu'un cauchemar sans couleur, que Caiano tournera en quatre semaines aux alentours de Rome. Une production quelque peu démunie donc qui va toutefois s'autoriser à la convocation de l'incontestable reine du genre. Barbara Steele balaiera le plateau de son mystérieux regard, pour un nouveau rôle à facettes. Rôle dont la nature pour ainsi dire doublement double (Blonde, brune, morte et vivante) trouvera la plus graphique des expressions dans un maquillage depuis resté célèbre. L'art de faire rejoindre le fond et la forme !


Quelque part dans l’Angleterre de la fin du 19e siècle, le Dr Stephen Arrowsmith, scientifique appliqué mais tout absorbé par des expérimentations contre nature, oublie d'honorer Muriel sa riche moitié. Femme qui s'ennuie, à moitié hors du lit. La châtelaine ouvre en douce ses pétales au personnel de maison. Aidé par Solange, une vieille domestique, Stephen décide de prendre sa conjointe sur le fait. Un faux départ lui permet de découvrir la coquine la tête dans les géraniums, les racines en l'air en compagnie d'un jardinier décidé à planter autre chose que des rhododendrons. Fou de rage, trompé jusqu'aux os, le Dr Arroswmith décide de se débarrasser de ces batifoleurs impudiques et de mettre par la même occasion le main sur la fortune de Muriel. La mise à mort sera lente, acide, rythmée par les régimes secs et les coups de fouet jusqu' à une apothéose sadique. Insoutenable séquence au cours de laquelle Stephen, sur le point d'envoyer les tourtereaux de l'autre coté du miroir, met un point d'honneur à s'assurer que le courant passe bien entre eux.


Pas de chance, Solange et Stephen découvre que Muriel, sentant une diabolique machination venir frapper aux portes de sa vie, a quelque peu modifié ses dernières volontés. C'est sa psychotique de sœur, Jenny, pensionnaire d'un établissement spécialisé qui héritera de ses biens. Le Dr Arrowsmith n'a d'autre choix que d'épouser la frangine, au grand dam de Solange qui a mystérieusement pris un coup... de jeune... Et certainement de Stephen. A l'arrivée de la jeune femme, le tandem entend bien la pousser dans les escaliers de la raison. Mais contre toute attente, les spectres de Muriel et de son butineur vont s'en charger à leur place.


Le conte est plus sadique que Sadien. (Pour le dire ne façon plus cavalière, sadique plus que ça nique !) Ou peut être pourrait-on lâcher, que la seule référence réellement assumée aux écrits du marquis se trouve réduite à un paire de répliques. Tirade d'inspiration sado masochiste à mettre au compte du spectre de Muriel et faisant, dans le présent récit, office de subterfuge. Les amants d'outre-tombe est donc d'abord, et surtout, une histoire de vengeance et de fantômes qui s'acoquine à deux autres thématiques déviantes. Le mythe de la jeunesse éternelle, l'immorale route scientifique qui y mène... ses fâcheuses conséquences (rajoutent les frères Bodganov en se grattant le menton) . Et de l'autre côté un élément, moins fantastique mais tout aussi morbide: La torture comme un art de la mise à mort.

Le film de Caiano donne parfois l'impression de lambiner dans le labyrinthe de son propre récit, au risque de frôler le pesant. Cette nonchalance narrative fait également et paradoxalement la qualité des amants d'outre tombe, déroulant le tapis d'une angoisse sourde sous les pieds de la diva Steele. La bandante Helga Liné, l'inquiétant Paul Muller et le score de Morricone en prime, il n'en faudra pas plus pour que cette ballade dans le manoir Arrowsmith trouve définitivement sa place dans l'histoire du cinéma fantastique européen. Les amateurs du gothique transalpin eux, ne s'y tromperont pas,


Le disque :

Artus films livre ici une édition doublement particulière puisque «Les amants d'outre-tombe» nous arrivent dans une très belle copie noir et blanc (ratio image 1.66) accompagnée de mixages italiens et français. Notez que le doublage français fut réalisé par la diffusion du film en télévision. Il est d'excellente facture mais paraîtra sans doute à certains un peu anachronique. Il est donc conseillé de se tourner vers la piste italienne. Rayon bonus: du lourd. Un entretien avec Mario Caiano et Paul Muller, une énième excellente présentation du film par Alain Petit (Nouveau format, sous la forme d'un entretien), un diaporama et des bandes annonces de la collection. Enfin ce beau digipack est rejoint dans son fourreau cartonné par un très beau petit livre d'Alain Petit « 20 ans de cinéma gothique italien ». Une soixantaine de pages passionnantes régalant les yeux comme l'esprit. Le tout sous la barre des 20 euros.A commander sur Artus films: http://www.artusfilms.com/les-amants-doutre-tombe