Cruel Jaws: Critique et test DVD

Cruel Jaws


En ce doux mois de décembre Cruel Jaws, perle du mauvais genre, rital'requinerie hypnotique s'offre aux adorateurs français du dieu Bis. Une plongée dans la folle et labyrinthique filmographie de Bruno Mattei (caché ici sous le pseudonyme de William Snyder) rendue possible grâce aux efforts d'Alexx production, éditeur jusqu'ici spécialisé dans le DVD musical. Ecranbis.com ne pouvant résister à ce met vidéo aquatique, a croqué cette galette zone All à pleines dents.

Le corps d'un plongeur est retrouvé atrocement mutilé sur la plage d'Hampton Bay, une petite station balnéaire américaine. La police songe d'abord à un  accident d'hélice mais le verdict de l'autopsie ne laisse guerre de doute, l'homme a sans aucun doute croisé la route de l'un des plus féroces prédateurs marins: un requin tigre. Malheureusement pour Samuel Lewis, peu scrupuleux promoteur immobilier, la mort rode encore au large et les victimes vont se multiplier. Alors que l'homme d'affaire tente d'étouffer l'affaire, le shérif du comté et Dag Soerensen, propriétaire d'un parc aquatique, se lancent à la poursuite de l'animal sanguinaire. Si ces quelques lignes vous rappellent quelque chose, ne vous inquiétez pas, c'est tout ce qu'il y a de plus normal.

Jaws  5


En 1995,  avec « Fauci Crudeli » (Cruel Jaws) , Mattei livre une aussi tardive que décontractée resucée italienne des  «Dents de la mer» de Steven Spielberg. Un effort  qui apparaît d'abord comme doublement anachronique. Premièrement car le cinéma d'exploitation italien, si prompt à répondre du tac au tac aux productions hollywoodiennes n'est au milieu des années 90 plus que l'ombre de lui-même. Deuxièmement car la mode n'est pas alors au film de requin. Le dernier épisode de Jaws a été produit par Universal huit ans plus tôt et le genre ne sera relancé que quatre années plus tard  avec le Deep Blue Sea de Renny Harlin (Plus connu sous le nom de Mr Modeste) et  une flopée de fatiguantes productions DTV dont NU Image et UFO Films gardent (merci à eux) le secret.

Attaque d'un requin


Mais si  « Cruel Jaws » est aujourd'hui considéré comme une œuvre culte par bon nombre de cinéphiles de l'extrême, ce n'est certainement pas pour les obscures conjonctures ayant abouti à son existence  mais bien  pour la nature « compilatoire » de son propos. En effet, non content de piller l'essentiel du pitch de Jaws, Mattei se livre ici à un acrobatique et surprenant exercice de recyclage. Disons-le, il est fort probable qu'aucune scène de requin n'ait jamais été tournée par le cinéaste pour Cruel Jaws. Dans ces eaux ensanglantées, tout n'est qu'emprunts, stockshots, raccords et détournements... Le résultat, à la hauteur du Raptor de Wynorski (Sorte de best of filmique de la série des Carnosaurs produite par Corman après le succès de Jurassik Park) se situe quelque part entre le remix cinématographique, le patchwork pelliculaire  et l'interview bidonnée de Fidel Castro par PPDA. Si les séquences de la  « La mort au Large » de Castellari constitue l'essentiel des apparitions requinesques de Cruel Jaws , l'identification du matériel additionnel n'est pas aisée. On peut imaginer qu'une poignée d'images reprises à des documentaires animaliers pimentent les attaques de la bête. La sacro sainte IMDB signale également que des plans des deux premiers Jaws ont été  utilisés. Mais disons le, vu la furtivité, la qualité et le recadrage de ces plans  additionnels, il faut avoir l'œil affûté...

cadavre


Alors bien sûr, deux grilles de lectures s'appliquent à ces 92 minutes. La première est de visionner « Cruel Jaws » comme un sous Jaws désargenté et dans ce cas, le résultat n'est, faut-il l'admettre, pas fameux.... ou du moins plus drôle que bon. La seconde est de s'amuser à défaire ce puzzle filmique et par la même occasion reconnaître à Mattei un certain talent d'illusionniste. Dans les deux cas, et voilà sans doute l'une des grandes qualités du cinéma d'exploitation italien et l'une des raisons pour lesquelles nous le regrettons tant, le film du grand Bruno reste divertissant. Ses défauts, l'usage immodéré de nuit américaine, son casting de poids qui embarque les sosies involontaires de Hulk Hogan et Gilbert Rozon, ses dialogues parfois surréalistes, ses clins d'oeil lourdingues (We'll need a bigger helicopter), ses emprunts musicaux (une partie du thème de Starwars), ses incohérences scénaristiques rendues nécessaires par les besoins de raccord, finissent par devenir ses qualités.

attaque nageuse


Devenu très difficilement visible depuis son édition en VHS par TF1 Vidéo, Cruel Jaws mérite impérativement une place sur les étagères du cinéphiles déviant et collectionneur, aux côtés de la mort au large et peut être un jour (ne désespérons pas) d'Apocalypse dans l'océan rouge de Lamberto Bava. 7/10


Test Technique :

Alexx Prod nous propose de visionner Cruel Jaws dans une édition DVD Zone All simple mais sympathique. La copie est plutôt honnête bien que bruitée. La jaquette annonce un format 1.33, ce qui laissait craindre un pan & scan sauvage. Sachez que le film est présenté dans son 1.85 d'origine. L'image est par contre belle et bien 4/3. Bonne surprise également du côté des pistes sons puisque le disque propose une piste anglaise (quelque peu étouffée mais correcte). Ni sous titre, ni bonus à l'horizon. L'édition étant proposée à prix très bas (une dizaine d'euros), difficile d'en attendre plus. Saluons donc l'effort de l'éditeur en espérant que le succès commercial de ce disque lui permette de récidiver...

Cruel Jaws French DVD Zone All Menu

Auteur : Claude G.