Sinister: Critique et test dvd

Affiche de Sinister


7 Novembre 2012, fait rare dans l'hexagone, «Sinister» une des seules bobines horrifiques a avoir rampé jusqu'à nos salles obscures se voit sauvagement déprogrammée par plusieurs dizaines d'exploitants. La raison invoquée ferait presque sourire si elle ne provoquait pas dans le même temps l'effroi. Le 31 octobre, jour d'Halloween et providentielle date de sortie du quatrième volet de l'économique saga des «Paranormal Activity», une paire de projections sont perturbées dans un multiplexe de Mantes-la-jolie puis dans l'Oise. On parle d'urine sur les fauteuils, de comptoirs à confiserie pillés et d'évacuations de salles... Il n'en faudra pas plus pour désigner un coupable idéal : Le cinéma de genre et sa horde d'amateurs dégénérés... Que les privés de «Sinister» se fassent une raison , Wild Side Vidéo remet le couvert le 13 mars prochain..



Chronique :

Le petit Scott Derinkson, traîné dès son plus jeune âge par son cinéphile de paternel dans les drive-in et autre lieux de perdition culturelle, ne s'est pas fait prier pour tomber dans la marmite du genre. A l'aube du nouveau millénaire, en pleine ère post «Scream», il écrit le scénario du juste sympathique Urban Legend 2 et réalise une séquelle DTV de la franchise Hellraiser. Inferno, très dispensable cinquième volet des aventures sadiques de Pinhead, ne marque pas plus les esprits que l'histoire du 7e art. Non ! Pour Derinkson, la reconnaissance viendra plus tard avec «L'exorcisme d'Emily Rose». (2005) Hollywood lui fait alors  de l'œil et le cinéaste est pressenti pour diriger l'attendu remake de «The Day the Earth Stood Still» (Le jour où la terre s'arrêta). Une expérience pelliculaire vécue comme un échec pour le réalisateur qui avoue avoir perdu les rênes de son film en cours de production. Un échec critique également. Sans vouloir crier avec les loups nous reconnaîtrons que cette fable «ecolo-SF» souffrait comme son extraterrestre de héros (incarné par Keanu Reeve), d'un petit manque d'âme, de chaleur et pour tout dire... d'humanité.


Il faudra 4 ans au jeune cinéaste pour tourner la page de ce blockbuster sans élan. Un retour tournant le dos aux studios, aux budgets faramineux et dont la portée autobiographique ne fait guère de doute. Ethan Hawke y endosse le rôle d' Ellison Oswalt. Un écrivain américain spécialisé dans les livres sur les faits divers, qui a connu sa petite heure de gloire avec «Kentucky Blood». Mais les années passent et sa petite notoriété s'effrite. Il emménage alors avec sa femme Kathy et ses deux enfants (Ashley et Trevor) dans une maison qui fut le théâtre d'un étrange massacre. Son objectif secret, mener sa propre enquête, élucider ce crime impuni et ainsi retourner sous le feu des projecteurs. Mais il ne tarde pas à y découvrir une série de films amateurs tournés en super 8, mettant en scène des meurtres d'une incroyable violence. Plus troublant encore, sur chacun d'eux, une figure démoniaque semble apparaître. Alors que son enquête bascule dans l'inexplicable, Ellison comprend peu à peu qu'un terrible piège vient de se refermer sur lui et sa famille. 




L'écrivain, personnage récurent du récit fantastique, bloqué entre deux réalités, celle qu'il traverse et celle qu'il s'invente, entre angoisse réelle et entre peur de la page blanche. La formule très « Kingienne » trouve ici une exposition plutôt subtile. Ethan Hawk (d'ailleurs lui même écrivain), obsessions en bandoulière, rappelle par instant le Tom Welles de 8 millimètres. La fragilité en plus car dans sa méthodique autopsie de pellicule, Oswalt révèle finalement ses propres failles. Un mécanisme scénaristique aussi classique que huilé...
 
Dans la série, portes ouvertes, Sinister aurait pu se contenter de tirer sur la corde du «found foutage» en effleurant du bout des doigts la thématique «snuff» et par conséquent venir gonfler la descendance filmique du Blair Witch Project. (Encore que le procédé n'ai pas attendu Myrick et Sanchez pour sévir sur les écrans, que dire de Cannibal Holocaust ou 84 Charlie Mopic par exemple). Mais Derinkson en a visiblement décidé autrement, ses bobines perdues retrouvées ne seront pas le plat de résistance de son « Sinister » mais des pièces d'un puzzle morbide. Plan séquence à l'esthétisme crasseux, terrifiant puisque échappant à l'imaginaire, électrochocs super 8 et super flippant lâché au compte goutte dans un véritable film de cinéma. Il en faudrait de peu pour qu'elle ne vole la vedette à Ethan Hawke à moins que le mal ne soit fait et que l'on ressorte de ces 105 minutes avec pour seul persistance rétinienne ces ritournelles barbares et craspecs. 



Dérangeant, le spectacle l'est d'autant plus que notre récit tarde à dévaler les pentes du fantastique, retenant son spectateur dans le thriller, une horreur finalement ordinaire pour ne pas dire accessible, teintée de satanisme ou de ne je ne sais quel culte païen. Et c'est finalement lorsque Derinkson accepte de s'abreuver à la fontaine du fantastique, que l'horreur se fait plus soutenable, et son propos moins perturbant. A la vision de ses fantômes presque convenus et de son dieu babylonien mangeur d'enfant , on se dit que Sinister aurait sans doute mieux fait de ne pas chercher quelconque justification dans l'au delà. La peur n'est jamais aussi éprouvante que lorsqu'elle est accessible, ou du moins qu'elle trouve sa cause dans la monstruosité de l'âme humaine. 


Voilà bien le seul reproche que l'on puisse faire au film de Scott Derinkson. Car pour le reste le contrat est rempli. Entre déambulations, couloirs obscurs,  boo effects carabinés et bande son d'anthologie, Sinister s'impose comme l'un des plus sérieux coup de flip en salle de l'année 2012. Un conseil donc éteignez les lumières, mettez le home cinéma à fond.

Le disque : 

Wild Side Vidéo offre à Sinister une édition DVD particulièrement soignée sur le plan technique. Le film est présenté dans son format 2.40 d'origine avec une définition très haut de gamme et une compression ultra discrète. Du grand art qui une fois upscalé sur un dalle HD fait illusion. Rayon petits plaisirs auditifs, nous avons droit à un mixage très soigné en langue anglaise sous titré Dolby Digital 5.1, et des mixages français en DTS 5.1 et simple stéréo. Dans la boite à bonus, une très intéressante rencontre avec Scott Derinkson réalisée pour cette édition française, une bande annonce et des scènes coupées commentées. On découvrira ainsi qu'Angela Bettis tenait le rôle de voisine d' Ellison Oswalt et que ce personnage a été coupé au montage. Vous pourrez néanmoins voir ces séquences dans ce supplément. Une édition comme on les aime.