Le cinéma de genre, lorsqu'il oublie d'être simplement divertissant ou fébrilement exploitatif, (l'un n'empêche pas l'autre), est un formidable outil cathartique. L'homme... les hommes pardon, les interactions qu'ils entretiennent, sous l'habile prétexte de la construction sociétale, ne font, pardonnez nous l'expression, pas un "pet" de travers, ne connaissent pas les joies d'un égarement sans que la pilule du fantastique ne s'autorise à déclencher la purge, en chantant les vertus parfois saignantes du retour de Boomerang. Panic Button qui malgré son étrange titre ne compose pas vraiment avec l'hystérie adolescente accompagnant toute épisode acnéique, a le mérite de suivre les deux chemins... Dans le même film.
Certes ici, la parabole n'est pas de mise et le récit bien que très aérien se veut, ma foie, terre à terre. Quatre jeunes internautes anglais, deux filles, deux garçons, utilisateurs compulsifs d'un réseau social à la mascotte reptilienne (le dit site internet porte le nom d'AllTogehter...Alltogheter,Alligator...il fallait oser) se voient offrir un voyage à New York en jet privé. Une fois envoyés au dessus des nuages, persuadés d'être à porté d'aile de la grand pomme, nos gagnants sont invités à participer à un jeu....
Acceptant sans réserve et surtout sans les lire les conditions d'utilisation du concours, les quatre jeunes vont devoir répondre des traces qu'ils ont laissées dans le cyberspace, assumer leur consultations numériques les plus scandaleuses, justifier le moindre mail et ne point interrompre le supplice sous peine de voir un de leur amis virtuels le payer de sa vie. Au fur et à mesure que les masques virtuels se fendent, révélant la véritable nature de chaque joueur, le maître du jeu, ici matérialisé par une voix et un avatar pixelisé, ne tarde pas à leur confier des missions personnelles et secrètes qu'ils devront accomplir avant que l'avion n'ait atteint sa destination finale... Vous l'aurez compris Chris Crow s'offre avec ce «Panic Button» ni plus ni moins qu'un petit «Saw en l'air» et utilise un budget qu'on imagine peu conséquent (300 000 £ selon la sacro sainte IMDB) avec une une ingénieuse filouterie. C'est à dire en enfermant son récit dans une boite de métal en perdition au dessus des nuages. Par chance notre homme a parfaitement identifié les écueils de ce genre d'exercice et parvient à ne pas trop sombrer dans le huis clos soporifique. Panic Button ne traîne pas en effet sur la psyché de ses protagonistes, évitant par la même occasion de pousser ses acteurs à la faute et au sur-jeu.
Bref, c'est plutôt pas mal envoyé et en dépit d'un atterrissage catastrophe de son propos (la montagne n'accouche pas d'une souris mais d'une pelle à tarte) , Panic Button embarque son spectateur et ses valises. Le plus captivant restera tout de même un sous discours qui pointe les dérives inhérentes à la numérisation progressive des échanges humains. Traitement et utilisation des données personnelles, surveillance électronique, éradication progressive de la vie privée , de l'anonymat et insouciance de l'internaute pensant être, dans l'intimité de son salon, seul maître à bord de sa vie digitale. De quoi faire froid dans le dos, surtout lorsqu'on sait que cette partie de l'équation filmique proposée n'a rien d'une oeuvre d'anticipation ou de fiction. Facebook, big brother : même combat ? En tous les cas, l'oeil de Moscou, robotique, rouge flamboyant qui assure la surveillance de ce jeu sadique rappelle étrangement le loupiote sans âme de HAL du chef d'oeuvre de Stanley Kubrick : 2001 l'odyssée de l'espace.
On pense aussi fatalement aux dérives voyeuristes et masochistes d'une télé réalité laissée aux mains de marchants de cerveaux disponibles. La voix, bourreau sans visage de victimes consentantes ayant visiblement quelques cadavres dans les placards. Les toilettes du zing transformées en confessionnal. L'excitation synchrone des pulsions de vie (d'auto conservation ou sexuelle) et des pulsions de mort. Ne cherchez pas tout y est, y compris nous, spectateurs sous hypnose, assoiffés d'électrochocs visuels... Le propos de Panic Button est sans doute moins inconséquent que prévu et hisse par la même occasion son contenant au rang d'assez «bonne surprise». Ajoutez à cela que la chose nous permet de retrouver un Jack Gordon (Action ou vérité, Captain America, Détour Mortel 3) et un Elen Rhys (World War Z, Le dernier des templiers) en pleine possession de leurs moyens. Une raison supplémentaire de jeter un œil à ce modeste mais finalement fréquentable perle vidéastique
Le disque :
Voilà une édition minimale puisque dépourvue de tout supplément, on se consolera avec un film présenté dans format scope d'origine, accompagné de mixage audio 5.1 en langue anglaise et française. (Sous titre optionnel). Notons que le doublage français tient la route.