Godzilla : Critique et test Bluray



Au mois de mars, pas de repos pour vos cartes bleues ! Les amateurs transis de nipponeries écailleuses (et ils sont, je crois, nombreux à parcourir ces pages) auront le bonheur d'apprendre que l'éditeur «Metropolitan DVD» s’apprête à lâcher dans votre salon un étonnant bluray embarquant les deux premières apparitions cinématographiques de Godzilla . Ecranbis.com a eu le privilège d' enfourner la précieuse galette dans sa platine et revient, un review destructeur sous le bras.


L'histoire : Au large des côtes japonaises, plusieurs navires disparaissent mystérieusement. Alertées, les autorités dépêchent une expédition scientifique qui recueille les témoignages de pêcheurs terrorisés. Tous assurent avoir vu un monstre remonté du fond des mers. Lequel s’avère être un dinosaure réveillé par des explosions atomiques. Rasant tout sur son passage, le saurien géant marche sur Tokyo obligeant les forces d’auto-défense à intervenir. 


"Un peu plus de 60 ans après sa réalisation, que reste-t-il de Godzilla ? Difficile de répondre tant la place de l’œuvre dans l'histoire du cinéma fantastique, son statut de cathédrale filmique rend la critique impossible ou du moins interroge l'observateur sur la propre conception de la modestie et de la paraphrase ."

C'est en 1954 que le producteur exécutif Tomoyuki Tanaka se voit remettre des mains tremblantes de la Toho Internationnal le projet «Behind The Glory ». Un film de guerre au budget nous dit-on confortable que la firme nippone aurait souhaité produire avec l'Indonésie. Mais notre homme, qui vient de poser ses délicates mirettes sur «The Beast From 20 000 Fathoms» (Le monstre des temps perdus) d'Eugène Lourié, rêve surtout de transposer la formule au marché Japonais. L' idée finira par séduire les dirigeants de la Toho qui donnent leur accord pour la production de ce qui s'appelle alors «Le Grand monstre venu de 20 000 lieux sous les mers». Si l'excellentissime Ray Harryhausen avait hérité de la lourde tache de produire les séquences d’effets spéciaux du film de Lourié, la déclinaison nippone de sa bébête reptilienne bénéficiera, elle, du talent et de l'expertise d'un certain Eiji Tsuburaya. Véritable pionner de l'effet spécial au pays du soleil levant et accessoirement un admirateur des travaux de Willis O'Brien sur le King Kong de Merian C.Cooper (1933). 


" Un rêve coûteux, 60 millions de yens auxquels on rajoutera 40 millions pour le budget publicitaire. Une folie lorsque l'on considère qu'au milieu des années 50 au Japon , le budget moyen d'un film était de 240 000 yens"


Assemblage de divers géants préhistoriques (citons pèle mêle le Tyrannosaure Rex , l'Allosaure et le Stégosaure), la créature qui deviendra Gojira (Mélange du mot japonais Kujira, c'est à dire Baleine et du mot anglais Gorilla) va naître des sculptures de Sadami Toshimitsu. Travaux à partir desquelles on moula un costume de latex d'un poids d'autant plus conséquent qu'il fut doublé d'un mécanisme permettant l'animation de la tête pilotée par un système de radio commandes. Haruao NakaJima  eut quand à lui le privilège de se glisser dans la peau du monstre. Un véritable calvaire pour l' acteur qui  devra ajouter à l'étouffante chaleur du costume, celle des projecteurs. On raconte que NakaJima perdit 10 kilos durant le tournage. Et pour rester dans l'exercice comptable si cher à certains chroniqueurs végétaliens et à cheveux longs: 122 jours de prise de vue furent nécessaires à la mise en image des rêves de Tomoyuki Tanaka. Un rêve coûteux, 60 millions de yens auxquels on rajoutera 40 millions pour le budget publicitaire. Une folie lorsque l'on considère qu' au milieu des années 50 au Japon, le budget moyen d'un film était de 240 000 yens. Mais lorsque en novembre 1954, Godzilla imprime pour la première fois l'écran, le succès est total, le retour sur investissement immédiat. A cette époque le japon compte 88 millions d'habitants  et plus de 9 millions de spectateurs se pressent dans les salles. Plus d'un japonais sur 10 !

"Godzilla  fut distribué dans les salles françaises en 1957. Le film y réalisa sur uniquement trois salles et sept jours plus de 27000 entrées."

Deux années plus tard, le film est distribué sur le territoire américain. Gojira devient Godzilla. Mais la différence entre la version originale japonaise et cette première version occidentalisée ne se limite pas à un simple changement de sobriquet. Terry Morse convoque L'acteur de la série Perry Mason, Raymond Burr, pour lui faire tourner en  toute hâte des scènes additionnelles et lui offrir grâce au plus coquin des montages le rôle principal du film. Celui d'un reporter américain envoyé au Japon sur les traces du monstre vert. On supputa longtemps que cette version affublée de diverses accroches (Le monstre atomique, le monstre de l'océan pacifique ou encore chez nos amis belge qui ont un penchant pour l'humour et la royauté : Le roi des monstres) fut distribuée dans les salles françaises en 1957. Du moins avant que quelques furieux spécialistes ne dévoilent l’existence de quelques différences entre ce cut français et la version US. On vous conseille vivement de vous référer aux passionnants écrits de Jean Baptiste Pujolle, tête de file du fameux CPPFFJ pour comparer les 4 versions du film. Nous retiendrons de notre que côté que  Godzilla  réalisa  à Paris sur uniquement trois salles et en  sept jours plus de 27000 entrées. 


"Une chose est sûre, Godzilla fut indiscutablement précurseur dans la diffusion de la culture nippone. Un cheval de Troie."

Un tel succès pouvait laisser sans voix mais ne pouvait par rester sans suite. En 1955, Godzilla revient sur les écrans avec «Le retour de Godzilla»… Ce deuxième film est par ailleurs proposé en qualité de bonus sur cette édition bluray française. Un peu plus de 60 ans après sa réalisation, que reste-t-il de Godzilla ? Difficile de répondre tant la place de l’œuvre dans l'histoire du cinéma fantastique, son statut de cathédrale filmique rend la critique impossible ou du moins interroge l'observateur à la propre conception de la modestie et de la paraphrase . Bien sûr il n'est pas interdit d'enfoncer quelques portes ouvertes et de voir en notre lézard casse-baraque une incarnation écailleuse du péril atomique et de la toute puissance du voisin Américain. Mais le succès hors frontière du film (même sous une version disons-le encore une fois remonté) nous interroge sur le rapport étrange que nous entretenons avec le disaster movie. Une chose est sûre, Godzilla fut indiscutablement précurseur dans la diffusion de la culture nippone. Un cheval de Troie. C'est dire si pour les jeunes loups, se coincer cette édition dans la platine est de toute première nécessité ! 



Un œil sur le disque :

Metropolitan DVD nous offre Godzilla dans un écrin haute définition classieux. L'éditeur annonce un combo Bluray DVD accompagné d'un livret. ( Nous n'avons eu qu'un Bluray de test entre les mains au moment d'écrire cette chronique). Le film vous est présenté dans son ratio 1.37 d'origine avec un transfert HD tout à fait convaincant, même si le matériel utilisé n'est pas exempt de tout défaut. Notons surtout que ce disque ne présente que le montage d'origine japonais et non la version originale. Conséquence directe, le doublage français d'époque se trouve entrecoupé de séquences en japonais sous titré, scènes évidemment absentes du cut que nous connaissions. En guise de bonus, Metropolitan offre la suite "Le retour de Godzilla" dans une version originale sous titrée.