L'espion qui venait du surgelé : critique et test DVD



En 2015, l'ours qui fête ses dix ans d'exploration vidéastique, lèverait-il le pied ? Seule une dizaine de galettes sont  en effet  annoncées par l'éditeur, qui pourrait tenter de reproduire un premier essai réussi dans le monde du livre. (GORE : Dissection d’une collection, de David Didelot). Autrement dit, il conviendra de savourer chaque sortie, et l'on commence dès aujourd'hui par une nouvelle addition à la collection «Cine Fumetti» qui n'aurait pas démérité de paraître sous l'étendard «Euro-spy»...


"A l'aube des sixties, un certain James Bond devient la cale étalon du cinéma d'espionnage et impose au genre une esthétique délicieusement pop mais également une conception consumériste pour ne pas écrire moderne de l'agent secret"

Bien décidé a siffler le coup d'envoi de la troisième guerre mondiale, l'excentrique et machiavélique Dr Goldfoot dresse une armée de femmes robots... Des nymphes synthétiques au tempérament explosif qu'il envoie dans les pattes de quelques généraux influant. Mais un certain Bill Dexter (et non Bill Baxter) ex agent du S.I.R. (ou S.I.C. Selon les doublages) bien décidé à reprendre du service, va se mettre à ses trousses, suivi de près par deux portiers d'hôtel rêvant d'une reconversion dans le secteur de l'espionnage.



Un film, deux montages, deux titres !


"L'A.I.P. pense donner une suite à Doctor Goldfoot and the Bikini Machine, mais du côté des artisans de la Grande Botte, on espère surtout  prolonger le succès de Due Mafiosi contro Goldinger, comédie sévèrement accrochée au duo comique Franco et Ciccio. De ce quiproquo génétique naitra une œuvre au montage double..."

A l'aube des sixties, un certain James Bond devient la cale étalon du cinéma d'espionnage et impose au genre une esthétique délicieusement pop mais également une conception consumériste pour ne pas écrire moderne de l'agent secret. Notre 007 s'envoie pétoires, gadgets et femmes canons à longueur de bobine, jouit et tue sans entrave brandissant le Berreta d'une main, la «licence to kill» de l'autre. Une « autorisation à faire ce qui ne l'est pas» annonçant avec subtilité une petite phrase de Jean Yanne appelé à devenir un slogan de mai 68 : « Il est interdit d'interdire ». De ce magma conceptuel, « L'espion qui venait du surgelé » ne gardera que l'apparat et les contours, en offrant une vision drolatique, essentiellement surfacique ou pour le dire plus simplement: Parodique. 

Around the world... around the woooorld !


L'œuvrette givrée porte de fait les stigmates d'une genèse complexe. Si « Le spie vengono dal semifreddo” est tourné en Italie, il n'en reste pas moins une production de l'oncle Sam. L'A.I.P. (American International Pictures) de Nicholson et Arkoff (à ne pas confondre avec l'American Independant Pictures de Ray) pense donner une suite à Doctor Goldfoot and the Bikini Machine, mais du côté des artisans de la Grande Botte, on espère surtout  prolonger le succès de «Due Mafiosi contro Goldinger », comédie sévèrement accrochée au duo comique Franco et Ciccio. De ce quiproquo génétique naitra une œuvre au montage double. «Le spie vengono dal semifreddo” qui est en fait le version italienne originale et un cut international titré “L’espion qui venait du surgelé / Dr. Goldfoot and the Girl Bombs“.

Objectivement, les deux métrages différent peu par leur récit mais se distinguent par la place laissée à  leur différents protagonistes. La version italienne peut ainsi être décrite comme une énième aventure pelliculaire du tandem formé par les acteurs
Franco Franchi et Ciccio Ingrassia , dans laquelle une star internationale vient jouer les guest stars maléfiques. Tandis que le cut américain (et par conséquent français) , plus proche du canevas du Fantomas d'Hunebelle se focalise  sur son génie du mal et en toute logique sur sa tête d'affiche (Vincent Price) pour n’offrir aux comiques italiens qu'un rôle en périphérie. Postulat inverse pour le couple formé par Bill Dexter et Rosanna , la secrétaire du général Benson, qui mis en avant dans la version US, se trouve réduit au strict nécessaire dans le film italien. 

George cloné ? 
 "Que vous l'escaladiez donc par sa face ricaine ou ritale, ce petit Bava vaut finalement plus qu'un coup d’œil."

Vue dans le montage souhaité par Mario Bava, cette comédie n'a qu'une place tout à fait anecdotique dans la carrière du cinéaste, elle se laisse parcourir avec plaisir, pour peu que l'humour pouet pouet de Franco et Ciccio ne vous rebute pas. Dans son cut international, le réachalange forcé des scènes laisse nettement plus perplexe, montrant rapidement les limites de l'exercice de dé-europanisation et de sauvetage entrepris par l'A.I.P. Mais bien que décousue cette mouture n'a rien de véritablement pénible ou malencontreuse. Que vous l'escaladiez donc par sa face ricaine ou ritale, ce "petit" Bava vaut finalement plus qu'un coup d’œil. Pour le visionnaire de son propos (les fembots du Dr GoldBoot sont déjà fabriquées par des chinois),  pour sa façon d'annoncer  les aventures pelliculaires d'Austin Powers et le clip "around the World" de Daft punk ...   et pour offrir aux termes “Bombasse” et “Péasse” la plus terre à terre et démonstrative des définitions.


Dr Folamour, Baron Munchausen, le chevauché de bombe, un classique du cinéma  !


Le disque :


Artus films nous propose de découvrir L’espion qui venait du surgelé dans un beau digipack double disque. Sur la première galette, le montage italien en VOST et les bonus, sur la seconde le montage américain en VOST et accompagné de deux doublages français différents. Le film nous est dans les deux cas présenté dans une beau master flat 1.85. (On notera que la version italienne a semble-t-il été recomposée à partir de plusieurs sources) . Dans les suppléments, un générique américain alternatif , un diaporama d'affiches et de photos, des films annonce et une présentation d'Eric Peretti.  Le tout est à commander en exclusivité en pendant un mois ( et à prix canon) sur le site de l'éditeur.