Captain America (1979) : critique et test DVD


 Non contente de remplir les petites lucarnes, la riche production télévisuelle Yankee met, à la fin des années 70, un pied dans les salles obscures de l’Hexagone. Épisodes pilotes, remontages espiègles et autres compilations savantes s'y trouvent exploités en qualité de "faux" longs métrages. Ainsi la série l'Homme Araignée «se payera une toile» en 1978 rassemblant quelques 700 000 spectateurs. Même succès ou presque pour le faux pilote de la série «L'Incroyable Hulk» qui sort à Paris en juin 1979.

La méthode, pour ne pas écrire l'entourloupe, sera reprise de façon opportuniste et éhontée jusqu'en 1987 où trois épisodes de la série Amazing Stories tentèrent de se faire passer pour un film à sketches. (le fameux "Histoires Fantastiques" en  Juillet 1987). Bien que nettement plus obscure, une adaptation de «Captain America», offrant son rôle titre au blondinet et musculeux Red Brown, est connue pour avoir bénéficié de ce curieux traitement à l'aube des années 80. L'origine de cette perle oubliée est à chercher du côté de deux téléfilms qu'Elephant Films a eu la bonne idée d'éditer ce mois-ci dans un coffret double DVD.Vous avez dit culte ?

Le Captain America du premier téléfilm se cherche encore niveau look, mais l'esprit y est déjà !
" Le film de vos vacances" prévenait une très belle affiche colorée sur les façades de cinéma. Le distributeur avait vu juste ! Tout comme une amourette d'été sur la plage de Palavas, ce Captain America devait rapidement disparaître de la circulation, se refusant même aux heures glorieuses de la vidéo cassette et ne survivre dans la mémoire d'une génération de gosses qu'à l'état de souvenir ému. Chez nos cousins et oncles d’Amérique, même combat. Sorti d'une tardive exploitation magnétique, «Captain America cru 79» fut longtemps porté à bout de bras par le marché du Bootleg, de l'objet artisanal gravé dans la cave,  échangé sous le manteau entre cinéphiles de bonne compagnie.

En 2011, l'éditeur Shoot Factory mettra fin à ces pratiques ésotériques et interdites en proposant un Zone 1 reprenant «Captain America» et «Captain America 2: Death Too Soon», les deux téléfilms produits pour CBS et diffusés dans le courant de l'année 1979. C'est à priori, et concédons-le étrangement, ce «Captain America 2» qui fut exploité en France, sans aucun doute pour s’épargner la longue introduction du premier téléfilm et surtout profiter d'une tête d'affiche providentielle: Christopher Lee.

Le Captain America relooké du second téléfilm: l'incarnation du Swag super héroïque

"il y a quelque chose dans le personnage de Captain America qui dépasse la notion d'individualisme (un élément constitutif dominant chez le héros américain) , quelque chose qui tiendrait de l'incarnation , de l'avatar et de la symbolique". 

Sous les cieux du super héroïsme, Captain America n'est pas forcement un cas à part mais certainement le personnage qui incarne le mieux le patriotisme américain. De par sa tenue aux couleurs du «Stars and Stripes», son nom mais également de par dans sa genèse... Il naît en effet durant la deuxième guerre mondiale, à quelques encablures seulement de l'entrée en scène de l’Amérique. Il s'agit alors d'un héros ancré dans l'histoire, mi arme de propagande mi projection fantasmatique. Un nouvel Oncle Sam. Un super soldat appelé «Amérique» et dont l'arme est un bouclier. Tout un symbole.

L'essentiel est pratiquement dit sans que Steven "Steve" Rogers n'ait besoin d'ouvrir la bouche. Il y a quelque chose dans le personnage de Captain America qui supplante la notion d'individualisme (un élément constitutif dominant chez le héros américain), quelque chose qui tiendrait de l'incarnation, de l'avatar et de la symbolique. Cette dimension explique d'ailleurs, pratiquement à elle seule, les difficultés récurrentes du cinéma et de la télévision à se saisir du personnage. Sur la couverture de son premier numéro, Rogers (et l'Amérique à travers lui) corrige Hitler, il affronte le mal absolu, le mal à visage humain, le réel ...Tout ce qui suivra peinera fatalement à soutenir la comparaison. Face aux arracheurs de sacs et braqueurs de coffre fort, le personnage se trouve indiscutablement à l'étroit.

"Le coup de génie de la production est d'avoir confié le rôle titre à l'ancien footballeur Red Brown. Il interprète un «Captain America» avec un second degré aussi réjouissant qu'involontaire. "



Conçus comme les rampes de lancement d'une série qui ne verra jamais le jour, "Captain America" et "Captain America 2: Death Too Soon" ne devraient pas surprendre les fins connaisseurs de la production télévisuelle US... Du moins pas par leur facture. Rob Holcomb qui vient de mettre en boite une poignée d'épisodes de la série «L'homme qui valait trois milliard» réalisera le premier. Tandis qu' Ivan Naguy qui vient lui de mettre en scène quelques «Starsky et Hutch» se chargera du second. La composition du thème musical revient au Tandem Pete Carpenter/Mike Post (Deux 100 dollars plus les frais, Magnum, Rick Hunter, L'agence tout risque, Riptide). Ces deux pseudo pilotes trempent indiscutablement dans le jus de leur époque....

Le coup de génie de la production est d'avoir confié le rôle titre à l'ancien footballeur: Red Brown. Il interprète  «Captain America» avec un second degré aussi réjouissant qu'involontaire. Certes l'acteur n'est aidé ni par le costume (qui connaît au passage quelques évolutions d'un film à l'autre), ni par le foisonnement d’incohérences offertes par le scénario (Si vous avez compris comment la moto de Captain America est cachée dans son van, n'hésitez pas à nous contacter, notre rédacteur en chef n'en dort plus la nuit). Les amateurs de jolis minois auront sans doute plus volontiers remarqué la délicieuse présence de la blonde Hearger Menzies Urick (la Jessica de la série L'âge de Cristal, Le Piranha de Joe Dante) dans le rôle d'un faire valoir scientifique et féminin. Elle sera remplacée sans crier gare par la brune Connie Sellecca dans le second téléfilm.

"Tirant profits de la patine du temps et d'une longue invisibilité, «Captain America» et «Captain America 2 : Death Too Soon» méritent absolument l'attention du cinéphile déviant." 

Christopher Lee n'a plus les dents longues mais garde la bouche ouverte !

 La véritable surprise de cette double ration est cependant ailleurs. Dans la volonté de revisiter la mythologie du personnage, d'en construire une version contemporaine, au risque de déplaire aux fans de la bande dessinée. A bien y regarder,  le Captain America de ces deux œuvrettes est infiniment plus proche du personnage de Steve Austin dans The Six Million Dollars Man que du héros de comics. Un homme qui frôle la mort, qui se trouve sauvé par la magie du progrès et qui y gagne des facultés surhumaines. Facultés qu'il s'empresse évidemment de mettre au service de la justice. On retrouve même les effets sonores destinés à habiller les exploits de Steve ( Une manière de souligner l'élément fantastique et de prévenir le téléspectateur "Ne tentez pas de reproduire cette scène chez vous").

 Le rapport de ces deux téléfilms avec le personnage de la Marvel tient indiscutablement de la filiation et du produit dérivé. État de fait parfaitement assumé par un script  s'accrochant non pas au destin du Captain America, mais à celui d'un fils appelé à prendre la relève. On nous présente même  le Steve Rogers premier du nom comme un scientifique qui s'est pris pour son propre cobaye et que l'on aurait appelé avec ironie «Captain America». C'est dire si un vent de liberté a soufflé sur l'écriture de ces deux métrages. Alors bien sûr, "Captain America» et «Captain America 2: Death Too Soon» tirent peut être profit de la patine du temps et d'une longue période d'invisibilité, reste qu'ils méritent à nos yeux l'attention du cinéphile déviant, du télévore comme celle de l'amateur de comics. En tous les cas, du côté de l'Ecranbis.Com, on est conquis !


Un œil sur le  coffret:

Pas d'entourloupe du côté de chez Elephant Films qui propose les deux films dans un beau coffret double DVD coiffé d'un sur-étui cartonné. Les films sont présentés dans leur format 1.33 4/3  d'origine dans des masters qui ont surtout, concédons-le, le mérite d'exister mais ne devrait cependant pas rebuter les amateurs de raretés. Pour le plaisir des cages à miel, de la  V.O.S.T. pour le premier, de la V.O.S.T. et un doublage français pour le second. Ces 200 minutes de bonheur Kitsch sont complétées par des bandes annonces, une galerie d'image et une excellent présentation par Xavier Fournier, rédacteur en chef de Comix Box). Notez que le tout est vendu sous la barre des 18€. On dit Bingo !





Claude G