A serbian film: Critique et test DVD


Attention ! L'une des bobines les plus polémiques de l'histoire du cinéma arrive dans notre petite et obscure contrée. A serbian film, l'électrochoc filmique de Srdjan Spasojevic est en effet attendu ces jours-ci en DVD et Bluray dans le catalogue du peu frileux éditeur français:  Elephant Films. Au programme, un torture porn qui pousse le genre dans ses derniers retranchements et de quoi défriser la censure. Il faut dire que la chose a connu un parcours des plus agités... Interdit en Angleterre, saisie de la copie en France lors de l'Étrange festival (le film a finalement été projeté) et il a aussi causé quelques problèmes judiciaires à Angel Sala, responsable du festival de Stiges. D'après ses géniteurs, de nombreux laboratoires ont même purement et simplement refusé d'en tirer des copies. Ecranbis.com livre son verdict.


Synopsis:

Milos, un acteur X à la retraite, tente de survivre avec sa famille. Jusqu'au jour où une ancienne collègue lui présente Vukmir, figure influente dans l'industrie des films pour adultes, qui va lui faire une offre qu'il ne pourra refuser...



Critique:

Étonnant parcours qui est celui de «A serbian film», bobine qui a laissé un goût amer aux courageux directeurs des festivals qui se sont aventurés à sa programmation. Une véritable malédiction diront certains. Sortie dans des versions tronquées en Angleterre ou faussement uncut aux États Unis, l'effort sulfureux de Spasojevic était resté jusqu'à ce jour inédit en France. C'était avant qu' Elephant Films (à qui nous devons déjà l'édition frenchy de «Grotesque»), répondant à l'appel de milliers de cinévores curieux, n'annonce une édition française. La sortie sera plusieurs fois repoussée et mille questions furent posées sur la nature du montage qui nous serait proposé. Cut ou Uncut ? On se pressait sur les sites de vente en ligne comparant les Run times annoncés entre les différentes éditions disponibles à l'étranger. Au final, Elephant Films proposera deux versions. Une première cut de 97 minutes interdite aux moins de 16 ans et vendue par la filière classique (sites de vente, magasins) et une seconde de 104 minutes intégrale et non censurée, interdite au moins de 18 ans, vendue exclusivement sur le site de l'éditeur sous la forme d'un combo bluray DVD.



Après le battage fait, involontairement ou volontairement (là n'est pas la question) autour de «A Serbian Film», son visionnage et sa critique sont un exercice cinéphilique à part. Sa nature très assumée de Torture porn, sous-genre devenu ces dernières années le terrain d'une stupéfiante et stérile surenchère, n'arrange rien à l'affaire. L'électrochoc annoncé est-il la hauteur du buzz, Spasojevic a-t-il véritablement dépassé les limites du soutenable et du montrable? Et le cas échéant pourquoi l'a-t-il fait ? Disons-le haut et fort, le pétard n'est pas mouillé. A Serbian film est une œuvre extrême, malsaine et profondément choquante, y compris pour le cinéphile éduqué (celui à qui on ne la fait pas) et qui par conséquent interroge.



C'est précisément sur la nature de ce questionnement que la bobine de Spasojevic se montre «singulière». On peut toujours en effet tenter de déceler les motivations d'un cinéaste, essayer de comprendre ce qu'on est en train de voir... A serbian film renvoie lui son spectateur, à moitié médusé, à un questionnement plus intérieur. Pourquoi je regarde ce film ? Pourquoi je continue de le regarder alors que de toute évidence je ne suis pas l'aise avec ce que je vois, la façon dont cela m'est montré… Qu'est ce que j'essaye de sonder en moi en acceptant de le voir jusqu'au bout? Bref plus on avance dans le visionnage de ce monolithe barbare et plus on s'interroge sur l'étrange lien qui nous attache à cet œuvre, nous menotte à l'écran. Cet donne n'est pas en soit complètement nouvelle au cinéma. On pourrait même considérer que bon nombre de bobines (Salo, Cannibal Holocaust mais aussi des choses comme La Meute de Marco Risi) ont joué de cette corde. On pense bien entendu très fort au personnage de Max Ren, interprété par James Wood qui se trouve comme hypnotisé par des programmes TV a à priori snuff dans Videodrome.



On ne peut s'empêcher de voir dans «A Serbian film», une autre dimension dont le titre serait en quelque sorte la clé. Reste à savoir quelle porte ouvrir. Si l'on comprend bien que l'idée d'aller au bout du bout accompagne le discours de Spasojevic, elle ne le motive pas pour autant. Chacun aura donc sa grille de lecture et verra dans ce cri de rage filmique une parabole différente. La revendication identitaire, quasi génétique qui se niche dans le titre de «A Serbian Film» risque donc de meubler quelques années encore les longues soirées d'hiver et les débats entre cinéphiles de l'extrême. Pour atteindre la substantifique moelle, il faudra quoi qu'il arrive dépasser les "Ils sont fous ces serbes» et considérer qu'à la lumière de l'histoire, ceux qui font la paix à coup de bombe (à l'uranium appauvri de surcroît) n'ont certainement pas beaucoup de leçon à donner en matière de folie. Ecranbis balance un 15/20.



Test technique :

Nous avons testé l'édition DVD Zone ALL cut qui est disponible sur les principaux sites de vente et dans les magasins. Une galette qui propose le film dans son format scope 2.35 d'origine avec une image juste superbe accompagnée de deux mixages 5.1 très convaincants en langue française et serbe. Les sous-titres français sont bien entendu de la partie. Rayon bonus du lourd et d'excellente idée puisque en plus de la bande annonce la galette nous permet d'assister à l'avant première européenne du film au BIFFF 2010 et plus exactement au débat qui a suivi le film (45 minutes). Nous avons également droit à un reportage sur la projection du film dans le cadre de l'absurde séance. (15 minutes). Voilà une édition comme on les aime. Bien sûr nous vous recommandons de vous tourner vers la version uncut  disponible en cliquant ici.