Tesis : critique et test Bluray



Dans l'ultime ligne droite d'un semestre vidéastique chargé, l'éditeur Carlotta délivre au «Tesis» d'Alejandro Amenábar un visa pour la haute définition. Le premier long métrage du cinéaste hispano-chilien nous parviendra le 25 juin en Blu-ray et DVD. Dans la queue de la comète, une constellation de récompenses (pas moins de 7 Goya, les Grand Prix des Festivals Européens du film fantastique de Bruxelles et Fantasporto) et une question cinéphiliquement entêtante: Tesis fut-il au cœur des 90's le coup de semonce du renouveau fantastico ibérique ou tout autre chose ? Profitant de cette sortie événement, Ecranbis tente d'amener quelques éléments de réponse. 


Angela, étudiante discrète et effacée travaille depuis quelques semaines sur une thèse. Image de violence, violence à l'image... Ses recherches la poussent à tendre la main à un de ses professeurs. Celui accepte de faire sortir quelques cassettes VHS des archives de la faculté. Mais on le retrouve refroidi dans une salle de projection. Angela qui a dérobé la bande que le professeur visionnait au moment de passer de l'autre côté du miroir, découvre une face obscure du 7e art. Mise à mort et torture imprimant la pellicule. Les portes du Snuff movie s'entrouvrent devant elle. Aidée par Chema, un jeune homme passionné par les jeux vidéastiques interdits, Angela va tenter de remonter la filière jusqu'aux auteurs de ces spectacles hautement déviants et moralement condamnables.

Le propos de Tesis d'abord thrillerisant. Ses enfilades de nœuds et son art du volte face annoncent sans doute déjà un succès international à venir, celui de «Les autres». Mais Amenábar y révèle surtout le goût d'une génération de réalisateurs espagnols pour le cinéma de genre, américain ou italien, une cinéphilie construite au pied du dieu magnétoscope ou dans les temples de la vidéo locative . L'approche est certes très prudente, retenue et sournoise, très européenne pourrais-je dire. Mais si Tesis ne se frotte pas véritablement au fantastique (Comme l'avait fait l'éblouissant de noirceur Videodrome) de façon frontale et assumée, il prend pour même décor un véritable mythe: celui du Snuff Movie. 


Péloche interdite, circulant sous le manteau et sous les pulls, dans les milieux autorisés, il va sans dire. Cassette sanglante vendue à prix d'or promettant le grand, l'ultime frisson : La mort pour de vrai, le mal pour de bon. Snuff, le terme serait né aux États Unis dans les années 70, porté par une rumeur entêtante. On tournerait en Amérique du Sud de curieuses bobines dans lesquelles les mises à mort ne seraient pas simulées. La fable urbaine sera cinématographiquement étreinte une première fois par la firme Monarch qui rachetant les droits d'une obscure réalisation de Michael et Roberta Findlay, aurait commandé au maquilleur Ed French la réalisation d'une scène aussi additionnelle que saignante. Le nouveau montage sera exploité sous le titre «The Snuff». Le goût de l'arnaque poussera le distributeur à payer des acteurs dans le but de feindre des manifestations de protestation devant les salles projetant le chef d’œuvre. Si le tour de passe passe n'a guère laissé que son titre dans l'histoire du cinéma (Ce qui n'est déjà pas si mal), il ouvrira tout de même la voie à quelques dizaines de tentatives du même rang, aux frontières du Mondo, du torture porn et du spectacles forain.

 

Dans Tesis, la question n'es pas tant de savoir si de tels ou tels métrages existent, mais de concéder l'évidence. D'un point de vue strictement psychanalytique, le snuff est à la pornographie ce que la pulsion de mort est à la pulsion de vie. Il traverse donc sur un angle fonctionnel les champs du possible et peut être même ceux du probable. Reste à savoir pourquoi la mise en scène, ersatz du réel ne suffit plus aux spectateur ? L'interrogation plus que jamais d'actualité, taraude aussi bien Amenábar que ses personnages, eux même fins observateur du fait cinéphilique. La charge est éminemment introspective. Avec Tesis, le cinéma se regarde le nombril, interroge ses raisons d'être. Il observe son spectateur de loin. Ce voyeur en manque, ce sadique qui s'ignore, perdu dans le noir d'une salle de cinéma, ou sous hypnose face à la petite lucarne. 


Forte de ses charges symboliques et des nuages de questions qu'elle soulève, cette thèse filmique entraîne son récit dans les entrailles de notre fascination pour la violence, au bout de nous même donc. Sans surprise, le rythme est à l'espagnol, nécessairement langoureux. Et dans l'art de tourner autour du pot, Aménabar, encore inexpérimenté, se laisse aller à quelques longueurs, accroché à l'évanescence de son actrice principale. Mais c'est bien le seul reproche que l'on puisse faire au métrage. Car le voyage brillant, intelligent et sombre tient pratiquement du sans faute. Tesis est définitivement un grand film.


Le disque :


Fidèle à sa politique d'excellence éditoriale, Carlotta livre Tesis dans un écrin haut définition sublime. Le Bluray embarque un master HD restauré et approuvé par le réalisateur, le tout dans le ratio image Flat 1.85 d'origine et avec un grain cinéma emballant. Une seule piste audio est proposée, en langue espagnole, encodée en DTH HD Master Audio 5.1 avec sous titres français optionnels.

Rayon bonus :
- Une introduction d'Alejandro Amenábar
- Un making of de 22 minutes
- 4 scènes coupées ( pour une durée totale de 7mn)
- Une bande annonce
- Un entretien de 40 minutes avec le réalisateur titré « La mort à portée de main »

Un très belle édition en somme.