Humongous: Critique et test DVD



Ça rampe, ça hurle et ça a faim ! Au cœur des douces 80's dans les temples de la cinéphilie et autres jungles de bandes magnétiques, accroches et jaquettes se répondaient à l'infini, de rayon en rayon et presque de boîtier en boîtier. De cette décennie bénie et frappée du sceau de la vidéo locative, les mômes ont gardé le goût de la formule, des visuels dessinés et des péloches obscures. Mauvaise nouvelle des étoiles, à chaque bond technologique, à chaque nouveau support, une partie de ce patrimoine se perd dans les limbes de la création et de la distribution. La culture bis est-elle en danger de mort ? Promise à l'oubli, la démagnétisation ou à cette expression maniériste, pour ne pas dire Tarantinesque lourdingue, superficielle, qui enchante tant la génération geek et digital Native. A cette question Uncut Movies répond par la négative en offrant en plein mois de juin l' « Humongous » de Paul Lynch à nos insatiables mange-disques... Ecranbis.com l'a rongé jusqu'à l'os. 


Né dans la grisaille de Liverpool, le petit Lynch, Paul de son prénom connaît dès son plus jeune âge une passion dévorante pour l'imaginaire sur grand écran. A l'âge de 10 ans, ses maigres économies, fruits de petits labeurs, se trouvent engloutis dans l'achat d'un livre consacré aux étoiles du septième art. Mais chez les Lynch, l'argent ne coule pas à flot et sa mère lui demande rendre le précieux ouvrage. La famille déménage l'année d'après. Un grand saut au dessus de l'Atlantique qui se termine au Canada dans la province de l'Ontario. L'adolescence de Paul est, nous dit-on, une histoire d'aller retour entre deux cinémas de quartier. Là, à l'autre du bout du monde qui l'a vu naître, Lynch espère marcher dans les pas de Kubrik et Syndey J. Furi. Il entre dans le monde de l'image par la porte de la photographie, réalise des «Docudrama» pour CBC et finit par livrer au début des années 70 son premier effort cinématographique : The Hard Part Begins. Il récidivera cinq années plus tard avec «Blood & Guts». Mais Paul a un autre rendez vous, dans les rues les moins éclairées du septième art. 



L'horreur a le vent en poupe et notre jeune cinéaste compte profiter de l'appétit du public et des producteurs pour le cauchemar pelliculaire. Il réalise une affiche et écrit un bref scénario...Ce sera «Don't go see the doctor», une sombre histoire de gynécologie qui restera à l'état de projet tout en annonçant une des pépites à venir du cinéma Slasher. «Halloween venait juste de sortir, je suis donc allé le voir. A l'époque, le titre Prom Night me trottait dans la tête et j'ai commencé à écrire une histoire » raconte-t-il. Arrivé au bon moment et profitant d'une Jamie Lee Curtis tout juste échappée du cauchemar de Carpenter, «le bal de l'horreur» est un succès considérable, y compris au Canada où il devient le film d'épouvante le plus populaire de l'année. Pour la petite histoire la distribution du film sur le territoire américain fut ravi à Paramount par AVCO Embassy, qui poussa la major à se rabattre sur un autre Slasher indépendant : Vendredi 13. 


Cette première incursion réussie dans le monde de l'horreur enferme fatalement son géniteur dans le genre. Lynch se voit proposer une nouvelle réalisation par un producteur canadien. Ce sera Humongous. William Gray (Philadelphia experiment, Black Moon Rising), déjà auteur du script de Prom Nigh rempile. Mais lorsque le film est terminé, Avco/Embassy qui a financé le développement de la production, se trouve racheté. La nouvelle direction vise désormais une production plus fréquentable, plus prestigieuse et se désintéresse du cinéma horrifique. Supporté du bout des doigts par son distributeur, Humongous n'embrassera pas le succès populaire de Prom Night mais deviendra tout de même un petit classique de vidéo club, aujourd'hui quelque peu sorti des écrans radar, en particulier en France... Où tout ce qui traverse la galaxie bis se voit étiqueté culte ou nanar, sans que l'on comprenne vraiment pourquoi.


La bande débute en 1946 sur une île en plein week end de la fête du travail. En marge d'une réception, dans la moiteur d'un sous bois, Ida est agressée par un invité éméché. Ses frusques arrachées, la jeune femme se débat mais ne parvient pas à calmer les ardeurs de son assaillant. Heureusement Médor garde la maison et l'honneur de la famille Parsons. Volant au secours de leur maîtresse, une meute de chiens s'attaque au violeur, le laissant ensanglanté sur l'herbe. Ida termine le travail à coup de cailloux... Mais le mal est fait. Quelques trente six années après cette étreinte fatale, une bande de gamins dans un bateau découvre en pleine nuit un naufragé. Dans le brouillard épais, une tentative de manœuvre va conduire à l'accident. Forcée à quitter le navire, la bande se retrouve contrainte de séjourner sur la fameuse île... Bout de terre, coupé du monde où on dit qu'Ida séjournerait toujours, entourée de ses chiens de garde... 



On retrouve intact dans Humongous, le ton si particulier du film d'épouvante du premier tiers de la décennie. Le cinéma fantastique, bariolé et délirant des mid 80's, n'a pas encore planté la tente dans l'imaginaire. Ici tout y est encore à l'opposé, formidablement glauque, sombre et dérangeant. La réalisation joue de toutes ses armes... Caméra dont on ne sait jamais trop si elle est subjective ou pas, jeu perpétuel de champs contre champs (Offrant quelques plans superbes) , cadrage inclinés. Tout participe au crépusculaire du propos.  Évidemment le film de Lynch malaxe, époque oblige, les codes du slasher. Une poignée de Teenagers offerte à un dead count implacable, une dernière survivante, mi victime mi guerrière, entre cris d’horreur et cris de rage, une enfilade d'électrochocs horrifiques. Même le rapport du monstre tueur à sa mère évoque immanquablement le Vendredi 13 de Cunnigham. Mais la péloche tend également la main au survival et sans doute pointe-t-il également du doigt l'éternelle douloureuse rencontre de deux Amériques. L'insouciante jeunesse des villes découvrant ces «trous du cul du monde» sauvages, hostiles, des secrets plein les placards. La dégénérescence génétique (étendard de la consanguinité présumée de l'autochtone) en toile de fond.

35 ans après avoir caressé les toiles, Humongous parvient , certes aidé par la patine du temps et notre inébranlable nostalgie, à faire son petit effet. Il n'est pas certain que les jeunes loups y trouvent de quoi se faire les dents, mais la chose risque de régaler plus d'un rat de vidéoclub. Cette édition française du film de Lynch est donc définitivement à ranger dans les bonnes nouvelles de ce semestre. Un indispensable achat avant le départ en vacances ? Et pourquoi pas ? 


Le disque :

Uncut movies livre "Humongous" dans une copie au format 1.78 ( Master 16/9) assez honnête accompagnée de pistes française et anglaise ( Sous titres disponibles).  Outre les classiques bandes annonces éditeurs et la traditionnelle galerie de photo, le disque a la bonne idée d'embarquer des scènes alternatives et un trailer du film. Le tout est disponible dès aujourd'hui sur le site Uncut Movies  pour le prix de 19€99. Notez enfin que cette édition est limitée à 1000 exemplaires. N'attendez donc pas trop.