The Green Inferno : Critique et test DVD


 Alors bien sûr, il y a la tentation de voir dans cet enfer vert ce qu'il est un peu, pour ne pas écrire beaucoup. Une révérence maniériste mais à priori sincère au cinéma anthropophage, petit ruisseau venu momentanément se jeter dans la rivière du cinéma d'exploitation européen pour disparaître au cœur d'une décennie sous influence Spielbergienne. A condition d'excepter quelques vaines tentatives de réanimation opérées par le professeur Mattei en personne et le fauché mais loin d'être inepte «Welcome to the Jungle», il n'était pas interdit d'écrire que le genre s'était dévoré lui même dans un festin qui n'avait finalement duré que quelques bobines. Et peut être même qu'une seule, Cannibal Holocaust, métrage qu'une qualité interrogatoire inouïe permet pratiquement d'arracher à son terroir exploitatif. Cette face B des années Club Med, d'un exotisme idéalisé, d'une fascination pour ces civilisations primitives sachant encore communier avec dame nature, la teub à l'air et la lance affutée. A moins qu'il ne s'agisse précisément de l'inverse. Là où le mal, sans d'ailleurs que ce «mal» n'ait droit à un nom ...le prix de l'universalisme sans doute, n'avait pas encore corrompu le cœur de l'homme.

"Une révérence maniériste mais à priori sincère au cinéma anthropophage, petit ruisseau venu momentanément se jeter dans la rivière du cinéma d'exploitation européen pour disparaître au cœur d'une décennie sous influence Spielbergienne."


Trente cinq ans après sa réalisation, le film de Deodato devait encore tourmenter les bobos de tout poil, poussant des cris d’orfraie à la vision de quelques séquences insoutenables... Et l'on s'indigne en chœur des scènes non simulées de mise à mort animale projetée à l'écran, sans s’interroger outre mesure sur le destin du bœuf qui atterrit en tranche quotidiennement dans nos assiettes. Oui définitivement Cannibal Holocaust nous parlait du pouvoir de l'image.

Si Tarantino avait réalisé « The Green Inferno », le film s’appellerait Cannibal Holocaust et n'aurait sans doute pas grande chose à voir avec celui de Deodato. Mais voilà Eli n'est pas Quentin , et l'homme qui réussit l'exploit de politiser le torture porn ne pouvait que prendre une autre route ou plus exactement poursuivre un chemin déjà tracé depuis plusieurs tours de bobine. Cabin fever, Hostel un puis deux, Aftershock qu'il produit sans réaliser... entraînent à l'instar de «Tourista», ou «The Ruins» , le spectateur dans une vision angoissante et paranoïaque de l'autre. En pleine mondialisation, une invitation à rester à la maison et célébrer le douillet de l'entre soit. Autant dire que Roth nage à contre courant ...Prêt à se faire dévorer par les piranhas de la bien-pensance.


"dans The Green Inferno, le prédateur c'est Roth... C'est lui qui béquette goulûment les postures humanistes. Ses étudiants idéologisés, indignés,aux préceptes gentiment néocolonialistes s'y font happer la main qu'ils ont généreusement tendus, smartphone inclus." 


Mais dans « The Green Inferno», le prédateur c'est Roth... C'est lui qui béquette goulûment les postures humanistes. Ses étudiants idéologisés, indignés,aux préceptes gentiment néocolonialistes s'y font happer la main qu'ils ont généreusement tendus, smartphone inclus. Droit de droit-de-l’hommisme, droit d'ingérence et loi de la jungle ne feraient-ils pas bon ménage. Et l'on finit par se demander si le plus insoutenable dans ce spectacle vomitif n'est pas le miroir que le cinéaste nous tend. Sous ses airs de remake situationnel (mais remake quand même), The Green Inferno serait donc un métrage profondément subversif, avançant ses pions sous la table...s'amusant de la plus naturelle des interactions animales, une histoire de prédateurs et de proies, qu'aucune forme de civilisation, des enfers verts amazoniens aux jungles urbaines occidentales, du trou du cul du monde à Wall Street, qu'aucune idéologie n'a su transcender de façon factuelle... mais au mieux rendre plus sophistiqué, travestir dans une forme auto proclamée de modernité, d'ordre ou de désordre établis.


Pour Roth toute les civilisations se valent, précisément car elle ne valent rien et l'homme, cet animal qui s'ignore ou qui plus précisément qui s'oubli est invité à répondre à la seule question qui lui est véritablement posée. Celle de sa propre survie. Toute compassion bien ordonné commence par soit même... ou presque. Vendu comme un simple DTV horrifique , « The Green Inferno » en a dans le calbute. Dommage qu'une photographie aux relans numériques disgracieux accompagne ce rendez vous en terre inconnu...




Un œil sur le DVD :

Wild Side ne se fout pas de nos gueules livrant "The Green Inferno" dans son format scope d'origine, accompagné de mixages français et anglais sous titrés. Dans la case bonus, quelques morceaux d'interviews savoureux dont certains exclusifs à cette fort agréable édition frenchy.