Les assassins d'OZ : Critique


Vous connaissiez le meilleur du monde d'Oz... Voici le pire! Telle est l'astucieuse accroche choisie par Atlantic Bd pour la sortie en librairie des «Assassins d'Oz» , titre français du «No place like home» d'Angelo Tirroto et Richard Jordan. Une bande dessinée qui respire au moins autant le retour aux racines que la fable horrifique. 128 pages enchaînées au destin de Dee, jeune américaine partie tenter sa chance sous le brûlant soleil de Californie et que le destin va ramener au à la case départ...



Partie à la poursuite de ses rêves de gloire littéraire, Dee a quitté le calme d'Emeraldsville, bourgade sans histoire, perdue dans les profondeurs du Kansas. Cinq longues années plus tard, l'enfant du pays rentre au bercail pour y enterrer ses parents, Donald et Linda. Le couple vient de perdre la vie dans d'étranges circonstances au cœur d'une nuit de tempête. La jeune fille qui retrouve peu à peu ses marques et ses amis d'enfances, ne manque pas d' être troublée par l'étrange malaise qui transpire des rues d'Emeraldville et de ses habitants. On lui interdit de voir les corps de ses parents ou de visiter la grange où ils ont été trouvés, des oiseaux sont retrouvés décapités, on chuchote et murmure, un vieil homme imbibé d'alcool tente de la prévenir... Mais de quoi ? Une chose apparaît de plus en plus clairement à Dee et à son amie de toujours Lizzie. L'ennuyeuse cité cache un terrible secret dont les racines remontent à la fin des années 50 … Une photo d'époque rassemblant les jeunes de la ville autour d'une voiture décapotable pourrait être la clé de l’énigme. Que s'est il passé 42 ans plus tôt et pourquoi la mort plane-t-elle à nouveau sous le ciel étoilé du Kansas ?



Puisant dans le retour au source, aux fantômes l'enfance, thématique classique de la littérature et du cinéma, l'amorce de leur récit, Angelo Tirroto et Richard Jordan livre quelques planches au ton résolument Kingien. Un secret collectivement et volontairement enfoui dans les profondeurs de la mémoire, une réalité soigneusement occultée et un passé qui refait surface. Au fil des cases, l'horreur se fait plus palpable, prenant la forme d'étranges créatures simiesques volantes et «No place like home» lâche la corde du mystère pour se cramponner à celle du fantastique. Le trait y est acéré et le plus souvent somptueux. Les couleurs, elles, rappellent les plus inquiétante pages de la série B américaine. Nos deux auteurs iront même jusqu'à s'autoriser quelques très cinématographiques révérences et clins d'oeil. Scène de cimetière et de tombe profanée, assassinat d'un prêtre, attaque d'un School Bus façon Jeeper Creeper 2... Transformant leur effort en une réjouissant puzzle citationnel pour cinéphile déviant et averti.


De l'autre côté du champ de maïs, no place like home assume bien évidement sa nature de version moderne, sombre et désenchantée du Magicien d'OZ. Une orpheline, le Kansas, un petit chien, des tornades, des singles volants, un château, une sorcière de l'ouest... L'univers du roman de L. Frank Baum fait donc ici à la fois office de fondement, de sous discours et de route... 

Réussi jusque dans son tandem d'héroïnes, (D'ailleurs Dee ou Lizzie, qui est le personnage principal de cette fable horrifique? suite au prochain épisode?) et sa fin emportant l'une d'entre elles dans un Oz cauchemardesque, cette nouvelle BD estampillée Atlantic fait mouche! La chose est disponible dans toutes les bonnes librairies à quelques jours de la sortie du « Monde magique D'Oz » produit par les studios Disney (une leçon d'opportunisme). Après ce premier jet convaincant, Angelo Tirroto et Richard Jordan voleraient déjà vers la publication d'un nouveau pavé titré Spear. On a hâte. 12€95 Avis aux amateurs.